Le Tribunal fédéral reprécise sa jurisprudence constante sur les contrats conclus avec soi-même stricto sensu
Le Tribunal fédéral reprécise sa jurisprudence constante sur les contrats conclus avec soi-même stricto sensu
Le Tribunal fédéral reprécise sa jurisprudence constante sur les contrats conclus avec soi-même stricto sensu
4A_488/2021
Résumé : le recourant, un administrateur d’une SA, A., voit son « contrat de mandat et de travail », qu’il a conclu avec cette même SA représentée pour l’occasion par un autre administrateur et un directeur auquel ils avaient accordé un pouvoir de signature pour l’occasion, résilié avec effet immédiat par ladite société pour cause de nullité. Celui-ci assigne la société en paiement par-devant la chambre patrimoniale vaudoise pour un montant de CHF 750'000. Débouté en première instance puis en seconde instance, le recourant voit son recours rejeté par le Tribunal fédéral qui confirme la nullité du contrat. Le Tribunal fédéral justifie notamment sa décision en reprécisant sa jurisprudence constante sur les contrats conclus avec soi-même stricto sensu.
I. Faits principaux
Z. SA est une société anonyme cotée à la bourse suisse. À la suite d’un non renouvellement de l’entier du conseil d’administration par l’assemblée générale et une démission, seuls deux membres du conseil d’administration subsistent. Il s’agit de A., président exécutif du conseil et de B., simple administrateur, tous deux dotés du pouvoir de signature collective à deux. Par ailleurs, D. est nommé directeur général.
Au cours d’une séance du conseil d’administration tenue en présence de D, A. et B. octroient un pouvoir de signature à D. afin que ce dernier puisse signer avec B. pour le compte de la société, le « contrat de mandat et de travail » prévu entre la société et A., signataire pour lui-même.
Deux mois plus tard, sept nouveaux administrateurs sont élus. Après analyse de la situation, la société nouvellement constituée résilie avec effet immédiat le contrat de A pour autant qu’il fut valable.
A. s’oppose à la résiliation et ouvre action par-devant la chambre patrimoniale cantonale pour un montant de CHF 750'000 comprenant notamment le versement de son salaire, ses honoraires d’administrateur ou encore une indemnité pour résiliation immédiate injustifiée.
A. est débouté en première instance puis en deuxième instance. Il fait finalement recours au Tribunal fédéral priant celui-ci d’admettre sa demande à hauteur de CHF 510'095.15.
II. Droit
Le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence relative aux contrats conclus avec soi-même stricto sensu. Il s’agit d’une situation dans laquelle une même personne est doublement partie à l’acte juridique, d’un côté pour son propre compte, de l’autre comme représentante d’autrui. Un tel contrat est inadmissible et dépourvu de validité sous réserve de deux exceptions :
- Les cas où la nature de l’affaire exclut tout risque de léser le représenté, soit notamment lorsque l’acte est conclu aux conditions du marché.
- Les cas où le représenté y a consenti par avance ou a ratifié l’acte. Le consentement ou la ratification doit émaner d’un organe de même rang ou de rang plus élevé.
Le Tribunal fédéral rappelle également conformément à l’art. 718b CO, bien que cela ne pose de problème en l’espèce, que l’acte conclu avec soi-même n’est valable qu’en la forme écrite pour les affaires supérieures à CHF 1'000.
En l’espèce, le Tribunal fédéral retient que A. ne peut se prévaloir d’aucune des deux exceptions. S’agissant tout d’abord de la deuxième exception, le Tribunal fédéral considère plus ou moins explicitement que D. ne peut pas être considéré comme un organe de même rang que A. au motif qu’il ne bénéficiait pas d’une indépendance suffisante pour approuver ou refuser le contrat dans le cas où il le jugeait contraire aux intérêts de la société. Le Tribunal fédéral justifie sa décision en invoquant le fait que D. était assujetti en tant que directeur aux instructions du conseil d’administration et qu’il avait été un proche collaborateur de B. par le passé.
S’agissant de la première exception, le Tribunal retient simplement, en se basant sur une expertise, que l’état de fait ne permet pas de retenir que les conditions accordées à A, n’étaient en rien préjudiciables à la société.
Aucune des exceptions à l’interdiction de la conclusion d’un contrat conclu avec soi-même étant constatée, le « contrat de mandat et de travail » est confirmé comme nul par le Tribunal fédéral.
Enfin, on mentionnera que le Tribunal fédéral examine également la potentielle application de l’art. 320 al. 3 CO qui retient que si le travailleur fournit de bonne foi un travail pour l’employeur en vertu d’un con¬trat qui se révèle nul par la suite, tous deux sont tenus de s’acquitter des obligations découlant des rapports de travail, comme s’il s’agissait d’un contrat valable, jusqu’à ce que l’un ou l’autre mette fin aux rapports de travail en raison de l’invalidité du contrat.
Le Tribunal fédéral l’écarte aisément en considérant que le recourant n’est pas de bonne foi car il n’ignorait pas l’inefficacité de la délégation de pouvoir à D. au vu de son stratagème mis en place. En effet, cela démontre qu’il avait conscience de la possibilité qu’un tel contrat ne soit pas valable et avait accepté une telle hypothèse pour le cas où elle serait avérée.
Pour toutes ces raisons, le Recours de A est rejeté par le Tribunal fédéral.